Éloge des mondes sans style.
Sans vouloir en aucune façon revenir trente ans en arrière ni soutenir la conception « moderne » qui a pu être celle du président Pompidou, le présent ouvrage propose une réflexion critique sur l’évolution du vocabulaire dominant relatif à la « modernité ». Son objet est de discuter quelques-uns des fondements théoriques et méthodologiques des pensées qui ont conduit à considérer comme dépassée cette notion, en particulier celles d’Ulrich Beck en Allemagne, de Bruno Latour en France, de Fredric Jameson aux États-Unis et, à un moindre degré, de la récente École d’économie de Paris. En proposant de faire l’éloge « des » mondes dépourvus de style, celui-ci affirme, par le pluriel de l’expression, que la situation d’allure récente et contextualisée de perte des repères stylistiques est en fait récurrente. En se référant à diverses situations historiques, il établit qu’une forme de conscience est toujours liée aux œuvres et productions en mal de style. La « modernité » de Lessing opposée au néo-classicisme de David au XVIIIe siècle est l’une de ces situations ; la formation d’une idée d’architecture sans art chez Viollet-le Duc au XIXe siècle, une autre ; le passage à une peinture « sans objet » avec Kandinsky au XXe siècle, une troisième. Mais ce genre de questions n’est pas réservé au champ de l’art. Il concerne également des situations d’usage quotidien : le design (la modernité de la Citroën DS opposée au style d’autres automobiles), l’architecture (Beaubourg contre l’immeuble TF1 ou la Cité des sciences), la langue (l’écriture des écrans contre la forme « livre »), etc. L’auteur montre qu’à chaque fois, contrairement à l’idée répandue selon laquelle la modernité procède d’une table rase, se joue le sort d’une fidélité sans concession et d’un rapport sans illusion au passé. La thèse, que résume le titre, Modernes sans modernité, est que l’éloignement si souvent revendiqué aujourd’hui de toute espèce de modernité relève d’un leurre. Des modernes sans modernité seraient des hommes décalés, en discordance, à la fois poussés dans un autre monde par les modifications effectives de leurs conditions et formes de vie, et retenus dans un autre par les fictions de leurs représentations
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Ce livre inscrit notre avenir dans la condition de l’homme qui est celle d’avancer, et de tenter de fabriquer un monde habitable. Il différencie Modernisme et le fait d’être moderne. Il pointe les défis qui attentent les créateurs et les hommes. C’est un livre théorique et stimulant, qui illustre les apports de la philosophie dans la conduite du changement au quotidien pour « servir » et ne pas « exploiter le monde » comme le dit si bien Pierre-Damien H.
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