Le design numérique: la valeur est dans l’usage

Le designer Jean-Louis Frechin, fondateur de la société NoDesign et enseignant à l’ENSCI (École nationale supérieure de création industrielle), présente la notion de design numérique.

Le journal de l’innovation a eu la gentillesse de m’interroger sur le design et l’innovation.

Qu’est-ce que le design numérique ?
Cette évolution du design est l’art de la conception des produits numériques. L’idée est que les objets sont souvent liés à des représentations de services. Dans ce contexte, le design s’intéresse à la « relation » entre un objet ou un service et un individu. Aujourd’hui, les objets ou les interfaces ne répondent plus à un besoin mais à une forme de désir et de proposition inscrite dans une culture et un contexte. Pour le designer, cela change tout. Les objets sont issus d’un monde numérisé, une internalisation. Ils deviennent en conséquence des services dans la mesure où l’objet représente et incarne l’usage. La chaîne de valeur en est totalement modifiée. La valeur n’est plus dans la propriété mais dans l’usage. Quand les téléphones portables sont à 1 euro, le véritable produit, c’est l’abonnement. 

Qu’en est-il du développement de cette vision en France ? 

La notion de la valeur de l’usage n’est pas comprise en France et les entreprises échouent dans la mise sur le marché de produits grand public. Un jeune aujourd’hui achète des vêtements américains ou un téléphone japonais, mais rien de français. Aucun modèle n’est créé pour susciter l’envie. Il n’y a pas de place pour l’innovation non technologique portée par les designers. Le design commence là où s’arrête l’industrie. Dans le même temps, la culture reste cantonné à des temps privés (le soir ou le week-end) et ne se retrouve jamais dans le business. Il y a ainsi un fossé entre la culture et l’entreprise. Pourtant, de nombreux pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, pays scandinaves) ont lancé, il y a déjà 20 ou 30 ans, des structures ou des programmes qui font la promotion du design et de sa démarche. En Corée, la politique de design implanté il y a 30 ans a permis l’émergence de Samsung. La France reste un des seuls pays sans programme de design, malgré des initiatives comme celles de l’APCI (Agence pour la Promotion de la Création Industrielle) ou la création du Lieu du Design qui sont à souligner. 

Y a-t-il des signes de changement, de prise en compte de cette vision ?

Si le constat est affligeant, on constate une dynamique, née de la fin d’un modèle. La France se remet en mouvement. Les Etats Généraux de l’Industrie, les pôles de compétitivité, les initiatives comme la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) et dans une moindre mesure l’Emprunt national, donnent des signes positifs d’engagement dans cette démarche. Des initiatives sont lancées. Au sein de l’agence NoDesign, nous collaborons avec le pôle de compétitivité Cap Digital qui est l’un des seuls pôles qui a compris la démarche du design et l’intègre. Une communauté design a même été mise en place dans le pôle. 

Dans nos activités concrètes, NoDesign est partenaire du projet Solen (Système numérique de Lecture Nomade) et de Start-ups comme ComWax ou Senda. Parallèlement, nous travaillons également sur des concepts de la ville numérique de demain. Cette réflexion s’est engagée à l’initiative d’acteurs régionaux. Elle vise à enrichir la seule dimension architecturale pour envisager la ville durable, partagée, numérique. À l’issue de cette réflexion, une exposition sera proposée.

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