Renouer avec la culture du risque

 

Les PME françaises sont rarement des marques mondiales. Mavic, fabricant de composant pour cycles et inventeurs des jantes en aluminium qui équipèrent Antonin Magne en 1936 sur le tour de France, fait partie de ces PME mondialement connues. Cette entreprise s’est étonnamment développée dans les années 1980, pendant que l’industrie du cycle française disparaissait.

Derrière ces succès, ces palmarès, ces produits, il y a des hommes. J’ai eu la chance de rencontrer deux des personnalités qui ont contribué à l’extraordinaire portefeuille d’innovations lancé par l’entreprise localisée à d’Annecy.

Digne d’une oeuvre d’art

Le premier, Jean-Pierre Lacombe, cadre puis directeur, a embauché le second, Jean-Pierre Mercat, ingénieur.

Sous la houlette du premier Mavic sortira des moyeux à roulement à billes indéréglables, la légendaire Série 500. Il contribue au « tout Mavic », un groupe complet de composants : plateau, manivelle, freins, roue libre et un dérailleur digne d’une oeuvre d’art cubiste, pour concurrencer les offres de Campagnolo et de Shimano… Il singularise Mavic avec des roues noires anodisées « Special service course » reconnaissables entre tous. À l’occasion des Jeux Olympiques de Los Angeles, les premières roues en carbone sont proposées aux coureurs français.

Pour répondre aux innovations de Shimano avec son changement de vitesse sur les manettes de frein, Lacombe imagine avec Jean-Pierre Mercat en 1992, en rupture totale avec la culture mécanique de l’époque, le ZMS, le premier dérailleur mécatronique au monde… En 1993, le vélo de Laurent Jalabert, dans l’équipe Once, avait vingt ans d’avance avec cadre en carbone Look aéro, un groupe électrique Mavic et les premières roues Aero Cosmic. Il deviendra en 1999 le Mektronic, que Chris Boardman utilisera durant toute sa carrière.

Dans les années 2000, les roues complètes Askium et Ksyrium apparaissent avec des procédés de fluoperçage des jantes totalement nouveaux pour optimiser, alléger les roues. Le lancement du « tubeless » en VTT qui s’imposera auprès de tous ses concurrents sous licence Mavic.

Un modèle éclairant

Lacombe et Mercat, modestes et malicieux lors de notre entretien ont dû prononcer le mot risque et rupture plus d’une dizaine de fois. La rencontre avec ces deux hommes de produits est une véritable masterclass d’innovation produit. Ils sont stimulants pour donner des perspectives à de jeunes ingénieurs et de l’attractivité à l’industrie.

L’entreprise a souffert des errements capitalistiques de ses propriétaires pendant dix ans, qui ont failli la tuer. Elle a été reprise en 2020 par le Bourrelier Group SA qui vient d’investir dans un nouveau siège social avec site de recherche, de test, et de production pour la compétition. Les frères Bourrelier qui la codirigent offrent un nouveau dessein à cette pépite de l’industrie du cycle français, dont l’histoire est un modèle éclairant.

Publication originale dans les Echos
31 mai 2022 | Jean-Louis Frechin | Économie & société | Innovation | Tribune |

 

 

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