Faut-il tout centrer sur les utilisateurs ?

L’intéressant post de Michael Arrington sur le design de FaceBook illustre les réflexions et les travaux restant à faire sur les notions « d’usages et de pratiques » et sur les manières dont le mot User est utilisé à tous propos. L’avenir de FaceBook est-il un problème d’ergonomie, de User ou de stratégie de conception de ses créateurs ?

Au préalable, la seule disponibilité d’un produit suffisait à le rendre attractif. Il est désormais courant de présenter la technologie comme une commodité et de tout centrer sur « l’utilisateur ». Nous sommes en effet passé d’un monde ou il n’existait pas  un monde ou tout est centré sur lui. 
Cette posture Mainstream est bien evidement un rééquilibrage nécessaire et un du qu’il ne s’agit pas ici de discuter. Mais il faut également se rappeler que la notion de besoin est toute relative dans le monde des TIC. La notion d’attente non exprimée plus intéressante mais tout aussi mystérieuse. Il ne faut pas confondre ce qui relève d’un « dû » comme le fait qu’un système de communication soit utilisable par des utilisateurs, et d’autre part une stratégie de conception et d’innovation.
Comment expliquer que notre pays qui possede les meilleures ecoles de marketing de la planete, qui possède en quantité et en qualité des acteurs des Science Sociales soit un des seules grands pays a avoir perdu toutes ses industries High tech grand public ?
Un tweet recent intitulé « 5 raisons pour lesquelles Twitter allait tuer FaceBook » défendait l’idée  que FaceBook allait mourir car il  n’écoutait pas ses utilisateurs.
Nous avons bien là deux approches opposées. Dell a fait du Design parceque les « gens en voulait », il semble que cette approche User Centred et market pull centré sur des tendances ne fonctionnent pas, pourquoi ? A lire Steve Job et MIchael Dell
La solution est peut-être ailleurs.  Plus subtile, créative et passionnante. Elle consiste à réinventer les conditions agiles de  création, de proposition, de conception et de dialogue avec des « être humain » pour fabriquer des systèmes adéquates et esthétiques. 
Doit-on encore opposer le techno-push et market-pull, qu’est ce que la recherche utlisateur active moderne,  comment intègre t- on une approche du risque, de la création, de la conversation, des fictions du futur,  de narration, d’imaginaire, d’esthétique, symbolique,  et de vitesse qui est la clé déterminante aujourd’hui.

Facebook a tort d’écouter ses utilisateurs
par Michael Arrington (adaptation: Alain Eskenazi) 25 mars 2009


“Un Chameau est un cheval conçu par un comité”.” (source)

La citation du Chameau (avec tout le respect que nous portons aux chameaux) illustre bien un problème fort connu qui surgit quand trop de personnes sont impliquées dans un projet. Seth Godin explique comment le Walkman n’aurait jamais été construit si Sony avait demandé à ses clients ce qu’ils en pensaient (de l’excellent livre Purple Cow). Il y a quelques jours; Robert Scoble expliquait que Porsche fabriquerait des Volvos si la société écoutait ses acheteurs. “Si vous demandez à un groupe de propriétaires de Porsche ce qu’ils aimeraient changer, ils vous demanderaient une conduite plus douce, un coffre plus grand, plus de place pour les jambes…bref une Volvo…

L’idée est donc que quand vous écoutez trop vos utilisateurs, vous créez un produit ennuyeux. Il faut un dictateur pour lancer un iPhone et changer une industrie entière. Imaginez si Steve Jobs avait écouté tout le monde.

Je suis ainsi surpris de constater que Facebook est en train de faire un peu marche arrière sur le nouveau design du célèbre réseau. Simplement parce que des milliers d’utilisateurs ne cessent de se plaindre depuis une semaine. (Facebook a publié un billet sur le blog hier annonçant le retour à certaines fonctionnalités de l’ancienne version)

Faecbook a toujours pris des risques avec ses versions et avec ses utilisateurs et les réactions ont toujours été négatives au début. Il y a peu, Mark Zuckerberg nous expliquait comment les utilisateurs finissent par accepter les changements avec le temps. Soudainement,  face à cette révolte populaire, Facebook baisse les bras. Pourquoi?

Écouter toutes les réactions négatives des utilisateurs est la dernière chose à faire; il valait mieux continuer avec plus de changements encore. Sinon Facebook finira par perdre sa domination sur le marché et deviendra comme MySpace qui a trop  essayé de rendre ses utilisateurs heureux et dégringole peu à peu. Aller toujours plus loin est la vraie recette du succès.

Note d’Alain: voici un avis pour le moins extrême de Michael Arrington…mais pas dénué de sens quand on regarde les grands inventions ou créations existantes parties de rêves personnels parfois les plus fous. Par contre il me semble qu’il est souvent pertinent d’écouter sa communauté quand un produit existe afin de l’optimiser. Pour ce qui est de Facebook, ce n’est pas la première fois que le réseau social modifie son design et subit les réactions déchaînées des utilisateurs… généralement avec le temps… on oublie tout. Mais cette fois-ci la fronde semble bien sérieuse.

TechCrunch

5 Comments

  • Il faut je pense distinguer différentes approches dans la notion de "design centré utilisateur". Je suis d'accord avec toi pour dire que le mot "user" est utilisé un peu à toutes les sauces.

    Notamment le fait qu'il est possible de faire du design centré sur les utilisateurs sans forcément leur demander explicitement ce qu'ils veulent. Il peut s'agir d'observations de pratiques, comportements, rites d'interactions (comme forme d'inspiration) mais aussi de faire verbaliser les gens sur leurs comportements (mais pas forcément sur les features ou les fonctionnalités voulues).

  • jean-Louis Frechin

    Cher Nicolas

    Je suis d'accord avec toi. Tout est question de temporalité, de contexte et de casting. La technique seule n'est rien, mais elle est reste un préalable à ce que l'on peut en faire. Les recherches utilisateurs sont importantes, surtout quand elles sont opérées ou animées par des gens compétents et modernes (et/ou résidant en Suisse). Elles sont souvent malheureusement un malentendu en France qui tends à casser les dynamiques de projets (différence absolu de temporalité entre concepteurs et les études sociologiques, tension entre Sciences, recherche  et  Projet dans les appels à recherche, querelles d'écoles (Bourdieu, Latour, etc...), médiocrité de certains acteurs ( il faut le dire) qui deviennent des aceurs de projet (ceux qui font des jeux dans les musées...) utilisation de labo académique hors-sol à cause des organisations structurelles des institutions dans des projets plus D que R,  objectifs divergents,  etc........

    Ce sujet est devenu une obturation sur des sujets importants :  dimension symbolique des dispositifs finaux, détail, cohérence, rapidité, création, proposition nouvelles, peu d'attente, pas de besoin, stratégie de désir, et surtout rôle possible du design, etc.....

    L'utilisateur  également est  un défouloir pour un genre de marketing sur des projets  "Time to market".  On prétend même aujourd'hui faire du design avec des méthodes scientifiques pour donner aux User ce qu'ils veulent (souvent des ex spécialistes de l'usabilité, ou intégrant de pseudo methode en science sociale)

    Il est vrai que les purs chercheurs technologiques doivent être accompagnés pour opérer la transformation des technologies en  objets ou en service humain.

    Les gens peuvent également produire une partie de leurs usages (attention cependant aux fantasmes).

     J'ai pointé cet article pour souligner une nouvelle "dispersion"  d'objectif face aux enjeux de conception en France.  Il y a quelque temps: l'utilisabilité était l'élément de mode (produit-on des automobile inutilisable ?)

    Pour être concevoir, il faut un sujet et un objet. En France nous n’avons 5 à 6 Startups a succès, mais aucune mondiale. Est-ce parce que nous n'avons pas assez de sociologie ? pas assez d'entrepreneur ? Pourquoi n'existent-ils plus d'entreprises Francaises High tech Mondiales ? Nous sommes les champions des projets et produits spécifiables (systeme, B to B, infrastructure) mais pas ou peu de produits désirables

    Nous n'avons pas le loisir de travailler sur les enjeux de FaceBook, car nous n'avons pas de cela ici. Voila un vrai sujet pour notre créativité; Les "user" suivront car il ne sont pas un problème mais une partie de la solution.

  • gat

    Écouter les utilisateurs?
    Les gens n’ont pas l’expérience de faire autrement : ils ne peuvent donc exprimer un besoin qu’à partir de l’expérience désagréable qu’ils font de ce qu’ils connaissent déjà, c à dire à partir de l’existant. Difficile dans ces conditions d’exprimer des solutions innovantes en ruptures. Toutefois les mécontentements sont intéressants pour voir les enjeux et problématiques qu’ils soulèvent.
    Un autre problème de taille intervient : il est difficile de trouver un équilibre entre les pratiques devenues des habitudes et proposer une nouvelle approche. “comment on intègre une approche du risque...”? Michael Arrington dit “généralement avec le temps… on oublie tout.” Il semble que cela n’est pas forcément si simple de créer des ruptures : ça passe ou ça casse. Mais ton observation Jean-Louis, m’apparaît juste : pour embarquer des utilisateurs sur de nouveaux terrains, pratiques, habitudes : il faut pouvoir leur donner la capacité de se raconter une histoire pour s’y projeter à travers “une narration, un imaginaire”, autrement dit “s’y retrouver”.

  • jean-Louis Frechin

    AGATHE

    Je souscris a ce que tu dis, trop de produit sont mals conçus ou bien conçu mais avec de mauvaise ambition. Il faut aimer les gens et leur donner le meilleur. Les entreprises aiment les certitudes. Desolé, cela n'existe pas en conception de produit.

    C'est une question de casting. L'intelligence n'est pas tout. Les usages et les usagers ne son pas un problème d'ergonomie. Le symbolique, le sensible l'esthétique, le désir  sont parties intégrantes de l'expérience. Pour nous français et c'est la seconde partie de ton post, il faut innover ous n'avons plus le choix. On modifiera si les gens n'adhèren pas.  Allez vite, aimez et essayez, c'est cela créer des usages. Le numérique est génial pour cela. Comme Designer, ne vous trompez pas de rêve....

  • agat

    "avec le temps on oublie tout" : c'est rude!!! on ne force pas les gens à entrer dans un système on les y invite, si l'invitation est de qualité, le temps d'"adoption" se réduit sans véritablement en prendre conscience. L'iphone a mis très peu de temps à être adopté.
    si l'on met beaucoup de temps à changer d'habitudes, c'est plutôt gage d'une nouvelle habitude mal adaptée, sinon c'est que la proposition est anticipée trop tôt ou trop tard (c encore autre chose).

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