Pour que l’argent du grand emprunt profite vraiment à l’innovation

Pour que l’argent du grand emprunt profite vraiment à l’innovation Par Pierre Tapie.

Un article paru dans les Echos.

PIERRE TAPIE EST DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ESSEC, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE DES GRANDES ÉCOLES.

Jamais un gouvernement n’a autant fait pour l’enseignement supérieur et la recherche en quelques années : bravo ! Le grand emprunt veut accélérer la croissance par des investissements à fort levier : bravo ! Ces décisions prises, on peut réfléchir à la meilleure efficacité de la dépense publique.

Dans la partie « valorisation » du grand emprunt, le gouvernement veut « accélérer la professionnalisation du dispositif français de valorisation de la recherche publique, qui n’est pas toujours à même de concrétiser ses résultats… » ; il s’agit d’accélérer l’innovation et sa création de richesses.

L’action 4 est ainsi gratifiée de 3,5 milliards d’euros. Un milliard où, « pour une part majoritaire, il s’agira de financer des participations dans 5 ou 6 sociétés de valorisation » ; 0,5 milliard destiné à renforcer les instituts Carnot ; 2 milliards pour « la constitution de campus d’innovation technologique de dimension mondiale par la création d’un petit nombre d’instituts de recherche technologique ».

Entre l’objectif du gouvernement, que la Conférence des grandes écoles partage entièrement, et ces formulations, il nous semble que quatre hypothèses implicites vont diminuer l’impact de ces mesures.

· Il est erroné de penser la création de valeur économique à partir d’un schéma déductif du type « les sciences induisent de la technologie qui induit de l’innovation ». La plupart des innovations économiques viennent d’un assemblage de technologies existantes ou émergentes, sous des formes originales créant quelque chose de nouveau pour le client. 5 % de la valeur créée dans la Silicon Valley vient de la recherche de Stanford. Pourtant, le schéma « technology push » imprègne la philosophie du grand emprunt, par opposition au « market pull ».

· Il n’est pas sûr que la taille ferait l’innovation : 5 ou 6 sociétés de valorisation territoriales se partageraient 1 milliard d’euros, soit 200 millions de capital par société. Pourquoi, sauf dans des technologies à très haute intensité capitalistique, 5 fois 200 serait plus efficace que 20 fois 50, voire 50 fois 20 ? Il n’y aurait pas 20 territoires en France capables de créer des lieux d’innovation ? Combien de lieux dont les opportunités seront perdues, alors que, par définition, la vraie innovation naît de manière assez aléatoire ? Pour l’innovation, « quick is beautiful » ; non pas « big ».

· 70 % de l’économie française provient des services. Il y a des innovations majeures à y réaliser. Alors pourquoi penser « campus d’innovation technologique », et non « campus innovant » ? En serions-nous encore au seul temps de la fierté nationale pour le Concorde, alors que la France a créé des leaders mondiaux des services ?

· Certes, l’innovation prend souvent naissance dans des clusters localisés qui rassemblent cerveaux, conditions agréables et capital-risqueurs, créant un tissu conjonctif innovant. Mais, quand l’immatériel constitue une large part de l’innovation, la concentration géographique doit-elle constituer une contrainte obligatoire ? Des réseaux puissants sur une thématique précise, dans la complémentarité d’une chaîne de valeur ajoutée, ne créeront-ils pas autant d’innovations et d’emplois ?

Enfin, ces mesures font un grand oubli : l’aide à la constitution de structures de capital d’amorçage, dont l’effet de levier est considérable, alors que les structures de capital-risque vont être durement touchées par les nouvelles règles prudentielles des banques et assurances. Nous suggérons donc de réserver une part de la ligne valorisation-innovation pour l’abondement, par des fonds publics, de structures de capital d’amorçage universitaire.

Le grand emprunt représente une intuition courageuse et nécessaire. Mais évitons, dans l’usage de la dépense publique, d’utiliser en 2010 pour 2020 les schémas d’organisation des Etats-Unis des années 1980 ou ceux d’une France qui se penserait d’abord industrielle. Nous aurions simplement, une fois de plus, trente ans de retard.

Pour innover aujourd’hui, il faut des gouvernances légères de structures qui donnent envie de travailler ensemble ; les créatifs et innovants sont toujours très mobiles dans leurs têtes.

C’est article est interressant, mais il oppose un modèle obsolète à un modèle en crise déjà largement représenté qui est également incapable d’innover, notamment dans les services à destination du grand public.

Le « technology push »  à la Française n’est plus ce qu’il faut au pays. Le temps des cathédrales est terminé. Il n’est pas adapté aux besoins des jeunes entreprises technos et aux « Start Up ». L’article pointe la  confusion entre  recherche et innovation et propose le marketing ou comme agent d’innovation… Il semble que cela fait 30 ans que nous sommes dans cette situation ?

Mais opposer au « techno Push » le « market pull » à la Francçaise, c’est ouvrir la porte au Marketing et à la communication. C’est alors « L’innovation Death » .

Les porteurs de technologie ne peuvent plus décidés seuls, mais le marketing des services n’est pas la solution, loin s’en faut.

La solution est ailleurs. Le design, activité de conception et d’innovation non technologique est un des éléments de réponse, à condition qu’il prenne ses responsabilités et acceptent de « grandir ».

L’autre axe est de permettre le développement de modèle et de situation « transdisciplinaire », autour des défis de la conception.

Il est également de considérer que le numérique incarne un nouveau monde industriel dont il faut valoriser et aider « les faucheurs de marguerite* » d’aujourd’hui qui seront les champions de demains…

Notre culture doit également évolué vers l’envie de faire des choses, d’évoluer et de prendre des risques.

Nous en sommes encore loin….

* »les faucheurs de marguerite* » : acteurs, pilotes et entrepreneurs inventeur des débuts de l’aviation, qui sont les racines directs de l’ industrie aéronautique Française


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