Pour la culture du produit

Le numérique dans sa jeune histoire, au fur et à mesure des problèmes de conception qu’il rencontrait, a créé une multitude de micro-spécialités qui se sont agglomérées au fil du temps. Par exemple, dans le seul champ du design sont apparues autour de la notion d’expérience utilisateur quantité de nouvelles notions : l’usabilité, le design centré client, la documentation du client (Customer Research), l’interface utilisateur UI, le design de service ou encore le design d’interaction.
Les grands groupes autant que les start-up utilisent ces expertises et ces méthodes. Elles ont uniformisé les productions tout autour de la planète. Ces pratiques éludent souvent la vision globale de l’offre, ses dimensions conceptuelles, symboliques, esthétiques, culturelles qui créent les singularités. Ce sont pourtant ces caractéristiques qui sont présentes dans les productions à succès comme l’iPhone, la Mini, Spotify ou les traditionnels Weston.
On assiste, depuis quelque temps, à un retour en force du concept de « produit ». Le produit est la raison d’être de l’entreprise. Il recouvre la vision, l’offre, les propositions de valeur dans une approche holistique. Cette approche produit convoque la quintessence des métiers de l’ingénieur, du marketing produit et du design. Dans certaines entreprises comme Parrot, Withings, ou Tesla, le PDG porte ces visions.
Des attentions humanistes

Avec cette ambition, les designers qui maîtrisent l’ensemble du projet reprennent le cours de l’histoire du design européen et font à nouveau du design produit au sens noble du terme. Ce rééquilibrage entre la nébuleuse « expérience utilisateur » au profit du produit est à la fois stratégique, créatif et productif. Il valorise la maîtrise de la synthèse créative, de la technologie et des attentions humanistes des productions européennes, à l’exemple des produits suédois, italiens, suisses ou allemands, et de compagnies comme Lego, Ikea ou Apple. Elle pose un défi en France où la culture du produit et la culture technique sont en retrait par rapport au marketing, à la communication, à la culture de la sociologie appliquée ou à la finance.
Cessons donc alors de courir après les injonctions de modèles incomplets. Nous avons les moyens conceptuels de dépasser ces recettes toutes faites. Valoriser la culture du produit doit nous aider à incarner des offres de produits européens singulières et attractives.
Jean-Louis Frechin

Publication originale dans les Echos
10/09/2019 | Jean-Louis Frechin | Économie & société | Innovation | Tribune |