L’histoire de l’automobile illustre le rapport du monde industriel et des ingénieurs entre la fonction et la beauté… Ce qui ne serait qu’une touche finale…
Des châssis à carrosser
Au début de l’automobile, les constructeurs proposent des châssis et un moteur qui était équipé en fonction du client par des constructeurs de calèches. Les premières autos ressemblent ainsi à des fiacres sans chevaux.
En Europe, dans les années 20, les automobiles luxueuses sont dessinées par des carrossiers sur des châssis Panhard & Levassor, Renault, Hispano-Suiza, Delage ou Delahaye. Dans cette « belle époque », les carrossiers Saoutchik, Figoni & Falaschi , Franay, Chapron ont créé les plus belles automobiles, dignes représentantes de l’élégance, du luxe et de la couture française… Cette organisation a perduré jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
Certains procèdent différemment, à l’exemple d’automobiles Avion Voisin, qui est créé par un diplômé des Beaux-Arts de Lyon, pionnier de l’aviation : Gabriel Voisin. Cet inventeur de génie fait dessiner ses automobiles par un architecte, avec des proportions, des matières et des tissus nouveaux, celles de l’esprit nouveau. Voisin proposait des autos performantes, techniquement avancées, des moteurs sans soupape, et avec un style réellement moderne pour l’époque. Un des plus fameux clients de cette firme fut l’architecte Le Corbusier. André Lefébvre, l’ingénieur en Chef de Voisin est une personne clé dont on reparlera plus tard. Chez Bugatti la course oblige à des propositions complètes châssis-carrosserie avec notamment la puissante type 35. Jean Bugatti, extraordinaire dessinateur, metteur au point, sublimera la forme, l’élégance et le style des Bugatti les plus extraordinaires comme l’Atalante.
La Seconde Guerre mondiale nous laisse deux autos. La Volkswagen, voiture du peuple Allemande, conçu par Ferdinand Porsche, mais surtout le véhicule, symbole de la libération, la jeep Willys américaine.
L’auto démocratisée
Après guerre tout change, nous entrons dans l’ère de la démocratisation de l’automobile individuelle. En Europe, l’après-guerre et la rareté des matériaux obligent à des petites autos comme les 4CV conçue pendant la guerre, inspirée de formes venues des états unis, ses premières couleurs étaient issues d’un stock de peinture de la Deutsches Afrikakorps. Elle était fabriquée par des machines transferts, automatisant la fabrication, qui fera le succès de Renault.
Chez Citroën, l’heure est à la proposition d’une voiture pour faire rouler la France rurale, la 2CV. Son ingénieur est André Lefebvre, le père de l’innovante traction avant monocorps et de la DS, juste avant-guerre. Il est un ancien de Voisin, dont on ne dira jamais assez l’importance dans le monde de l’auto. La 2CV est le résultat d’un programme : transporter des personnes, et un panier d’œufs au travers d’un champ, sans les casser, des prestations essentielles et de technologies innovantes et décalées. Son design par défaut est l’illustration de la cohérence du programme et de solutions employées dans une économie régie par des besoins à l’exemple de la VW Coccinelle ou de la Nuova 500 ( Fiat 500 ).
En Italie et en Allemagne, la pénurie d’après-guerre donne naissance à l’Isetta et à ses licences Allemande, Italienne et Française, la Messerschmit, la vespa Ape ou la Voisin Biscooter. Toutes ses propositions des années 50, microvoitures originales, légères, ancêtres des quadricycles actuels ont été abandonnées au profit des autos plus classiques comme la 4L, la Coccinelle, la Mini ou les bourgeoises Triumph, Mercedes, BMW, Alfa Roméo et les Françaises Peugeot 203 et 404.
La consumérisation américaine propose le renouvellement artificiel des modèles par les designs exubérants de Virgil Exner ou d’Harley Earl, dans des explosions de chromes et de style qui n’ont rien à voir avec les fonctions ou les motorisations de l’auto.
En Italie, les carrossiers turinois et milanais, apôtre de la Bellamachina dessine les succès italiens, mais également les modèles phares à l’étranger avec Michelotti en Angleterre pour Triumph et en Allemagne pour BMW, Pinifarina pour Peugeot en France ou Frua chez Renault.
l’auto devient dessin
Désormais les autos sont toutes monocoques, comme la traction Citroën en son temps. La carrosserie devient le châssis, c’est-à-dire que la forme extérieure et le châssis sont faits d’une seule pièce emboutie et soudés. Cela ouvre le champ à de meilleurs comportements, sécurité pour les occupants, et performances de tenue de route. Le design est désormais indissociable de la construction automobile, en amont.
Dans les années 90, l’automobile est en passe de devenir une commodité, la performance et le moteur sont désormais challengés par les programmes de vie, la vie à bord, les usages nouveaux.
Le style automobile devient clé dans la quête des clients. Les stylistes extérieurs grâce à l’informatique sculptent des formes et des reflets. À l’intérieur des designers traitent d’usage de vie à bord de commandes et désormais de l’univers numérique. La concurrence, l’informatique, les nouveaux moyens deproduction uniformisent les propositions à partir de cycles d’architecture berline, bicorps, monospace.
Des autos à dessein
Il éxiste cependant de démarches ou le lien entre le programme de l’auto, son architecture et les propositions d’usage relèvent d’une approche plus intégrée et cohérente, caractéristique des démarches de dessin et de dessein du Design industriel. On pourrait nommer souvent ces autos des « voitures à programme », par cela qu’elles sont organisées autour d’un programme fort, et d’une architecture et des fonctionnalités identifiables. Si elles n’ont pas été forcément dessinées par des designers, elles participent à répondre à cet esprit de véhicule avec du sens.
On peut nommer la 2CV, la Coccinelle, le Renault espace, la Fiat Panda 1, la Renault 4L, la Renault Twingo 1, la Fiat 500, l’Austin Mini,la jeep Willys, la Nissan Cube, la Fiat Multipla, le Renault Matra Espace, le Ford F-150, la Land Rover Defender, le H2 Citroën, le VW Combi et nombres KeiCars japonaise, ces « petites citadines » ludiques aux programmes multiples caractéristiques des villes Japonaises, telles les Suzuki Spacia ou Jimny.
On imagine le potentiel de cette approche sur des véhicules petits, électriques reposant sur une base permettant une infinité de programmes et d’architectures.
Puis les autos de Designers, la Méhari dessiné par le designer Jean louis Barraud, la mini Moke de Sir Alec Issigonis and John Sheppard, la Renault Twingo 1 de Jean Pierre Ploué et Gérard Gauvry, la Toyota MEWE de Bouzige et Massaud, la Voltais de Starck, les autos bulles de Paul Arzens, OSVéhicule d’Ampelio Macchi, la Twizy, l’Ami Citroën, l’Insolante de Loic LeGuen Ensci, Pix band d’Antoine Fristch et Louis LeBihan, l’Arbracam conçu a l’Ensci les Ateliers. On peut également citer les plateformes de quadricycles électriques notamment chinoises qui libèrent les potentiels d’usages et d’innovation. Celles-ci ne sont pas tant intéressantes par leurs formes que par leur programme.
L’Affranchie, Loic LeGuen et Nolwenn Le Scao / NoDesign
Pour innover dans l’automobile, l’automobile ne peut être la référence. C’est aujourd’hui un environnement trop structuré autour de ses savoir-faire, qui aura du mal a échappé à ses propres déterminismes. À l’exemple de Tesla, ou les nouveaux acteurs de la mobilité VanMoof, Uber ou Lime ont renouvelé les offres.
Alors comment le design pourrait-il aider à proposer de nouvelles offres et de nouveaux programmes ?
L’extrême Défi ouvre un espace pour initier un nouveau programme.
Cet article se poursuit avec une deuxième partie.