Au-delà du remarquable exploit sportif, la Route du Rhum symbolise aussi la réussite de l’industrie française de la plaisance, marquée depuis un demi-siècle par une culture d’innovation et de performance.
Le trimaran de Francis Joyon vient de remporter pour la troisième fois la Route du Rhum. Qui conçoit ces voiliers ? Ce savoir-faire français s’est développé après guerre, quand Jean-Jacques Herbulot esquisse pour l’école des Glénans le « Vaurien ” et le « Corsaire », qui feront naviguer la France.
Symbole de réussite dans une activité historiquement britannique, le « Pen Duick VI ” d’André Mauric fait entrer Eric Tabarly dans la légende en 1976, lors de sa seconde victoire dans la transat anglaise. De ces succès va naître l’industrie française de la plaisance aux caractéristiques populaires, innovantes et performantes.
Avec l’arrivée du polyester, l’industrialisation est en marche. À La Rochelle, des architectes vont faire grandir la plaisance et le nombre des victoires. On pense à Bernard Nivelt et Michel Joubert, Phillipe Briand, Marc Lombard ou Jean Berret qui, du rapide Surprise à la Coupe de l’America, vont marquer les années 1970 et 1980. Le talentueux Jean-Marie Finot va concevoir, au début des années 1990, les premiers bateaux open du Vendée Globe et le « Beneteau First 210 “, le premier des grands bateaux fabriqué à plus de 3.000 exemplaires. De leur premier trimaran en 1983 aux ultimes de François Gabard et de Francis Joyon, de la Coupe de l’America aux derniers Imoca « volants », Vincent Lauriot-Prévost et Marc Van Peteghem ont signé les bateaux les plus rapides du monde. À Lorient, leur compère Guillaume Verdier aide les Néo-Zélandais à faire voler l’AC 75, le nouveau bateau de la coupe de l’America.
Des « architectes-constructeurs » issus de la Mini-Transat, comme Sam Manuard, Etienne Bertrand ou David Raison, imaginent les bateaux du futur, à l’exemple du « Maxi ” à étrave ronde, vainqueur de la dernière Mini-Transat.
Des pionniers aux sorciers du carbone et des nouveaux matériaux écologiques, les architectes navals français accélèrent une génération de bateau de 20 à 30 % tous les quatre ans. Ils sont aussi l’avenir de la voile de croisière, et de la simplification des bateaux pour conquérir de nouveaux marchés. Ces innovateurs passionnés, à la fois concepteur, scientifique et marin sont certainement un élément majeur de la position de leader des industries nautiques françaises.
Jean-Louis Frechin est président de Nodesign
Publication originale dans les Echos
13/11/2018 | Jean-Louis Frechin | Économie & société | Innovation | Tribune |