Les objets connectés, si en vogue ces dernières années, semblent avoir atteint leurs limites », déclarait en début d’année Anne-Marie Boutin, présidente de l’APCI, organisatrice de l’Observeur du design dans le monde. Mais faut-il vraiment parler de limites ? Sûrement maladroite, cette critique illustre l’étape où nous sommes situés sur la célèbre courbe Gartner d’adoption des technologies. Ainsi, après l’ère des pionniers et celle des enthousiastes, nous plongeons vers la phase de déception. Gadgétisation de l’offre, maladresse des concepteurs, inadaptation des designers, usages absents, déception sont les reproches que l’on peut faire à la majorité des objets connectés. Qui n’a pas souri en découvrant sur Internet ce film qui nous parle d’un « objet connecté aux aisselles » chargé de voir si nous devrions nous laver !
Proposons ici un certain nombre de pistes : l’étape qui s’ouvre est celle de la maturité, de la consolidation des marchés, mais également de toujours plus d’imagination et de sens. Ces objets ne doivent plus être limités à des capteurs pour compter les pas ou le brossage des dents. Les sciences et les technologies sont une nécessité pour obtenir des mesures plus intéressantes pour des secteurs comme la santé. Ensuite, après avoir mesuré un contexte, les objets vont agir. Grâce à des actionneurs, ils vont devenir actifs et proposer de véritables comportements. La fusion entre objets connectés et robots ouvre de nouveaux champs. Designer un objet connecté devrait être beaucoup plus que le design d’une « boîte » : c’est celui d’un système complet pour tenir la promesse d’un véritable Internet des objets. C’est-à-dire l’information, les services et les fonctions, avec un espéranto, une plate-forme qui va régir et organiser tous ces objets entre eux. Enfin, ces objets ne peuvent être de simples réponses marchandes ou technologiques. Comme le soulignait Jean Baudrillard, les objets ont des rôles beaucoup plus subtils, symboliques et culturels que ce qu’ils nous montrent, et c’est ce qu’il nous faut comprendre. Si beaucoup reste à faire, il est plus juste de parler de naissance d’une industrie que de limites. Heureusement que les pionniers de l’aviation ne se sont pas arrêtés après cinq ans d’efforts !
Publication originale dans les Echos
26/01/2016 | Jean-Louis Frechin | Économie & société | Innovation | Tribune |
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