Pour une offre de vélo équitable

Séduisante en apparence, l’arrivée de vélos en libre-service sans stations (« free floating ») pose plusieurs problèmes, notamment en matière d’occupation de l’espace public et de fragmentation de l’identité urbaine.
L’espace public et la liberté de circuler sont désormais conditionnés par la lutte contre la pollution et les excès de CO2. Paris s’est fixé l’objectif de plus de 15 % des déplacements à vélo d’ici à 2020. L’apparition  des vélos chinois en libre-service sans borne (« free floating ») semble être une solution pragmatique à cette ambition. En effet, ces vélos n’ont pas besoin d’infrastructure, offrent une application qui vous connecte en quinze secondes et sont présents là où est la demande.

Cependant, des problèmes existent, comme l’occupation désordonnée du précieux espace public, la dégradation de nombreux vélos ou le fait que chaque marque propose un design unique, quelle que soit la ville où il est implanté.
Il faut donc une régulation. Il existe pour cela  une charte des « principes de mobilité partagée pour des villes habitables » , lancée par la fondatrice de Zipcar, Robin Chase, et par des acteurs publics, privés ou associatifs. Cette charte définit en 10 points les bonnes pratiques : mobilité équitable garantie à tous les âges, sexes et revenus ; utilisation raisonnée et efficiente des véhicules, de la voirie ou des trottoirs ; ouverture des données pour permettre l’interopérabilité entre services… et, enfin, planification harmonieuse des villes et des mobilités.
Nous en sommes encore loin. En effet, les offres et les besoins sont mal répartis sur le territoire métropolitain. Le vélo partagé fonctionne bien dans le centre de Paris, mais beaucoup moins dans les arrondissements et les villes au nord-est, selon l’ Atelier parisien d’urbanisme . Le vandalisme, lui, suit une courbe inverse. Un acteur 100 % privé irait-il s’implanter dans un espace où l’on sait qu’il va perdre de l’argent ou avoir des problèmes ? La Métropole du Grand Paris est bien en face d’un défi d’équité territoriale, et c’est l’un des objectifs ambitieux de Vélib.

La qualité de design et de service de l’offre est également importante pour bâtir une identité urbaine métropolitaine. Cela s’appuie sur un contexte, une culture, des signes, des fonctions, des usages, un design et une identité induite familière et commune qui créeront le sentiment d’appartenance à la métropole. On le mesure, il reste beaucoup à faire, mais quoi qu’il arrive, il faudra pour « faire ville » intégrer ces externalités positives à tout projet de vélo partagé.

Jean-Louis Frechin

Publication originale dans les Echos
12/03/2018 | Jean-Louis Frechin | Économie & société | Innovation | Tribune |