On a tous en nous quelque chose de SNCFConnect.

« L’idée est de tout pouvoir faire en un geste unique, de lancer des recherches en langage naturel et d’enrichir l’offre avec plus de 170 fonctionnalités et 4000 scénarios voyageurs contre 800 pour Oui.SNCF », souligne Benoît Bouffart, directeur Produits & Tech SNCF Connect. Qui peut-être contre ?

Pourquoi la SNCF ne deviendrait-elle pas le pôle des multimobilités en France ? SNCF I&D travaille depuis plus 10 ans sur des systèmes de mobilité globale qui ont véritablement du sens et sont une réponse à la multimodalité décarbonée et aux développements du ferroviaire. Pour ma part, Je trouve cette appli ambitieuse, sobre, belle et certes un peu triste… Le numérique est plastique et évolutif. Laissons-lui sa chance. Des services comme CityMapper, Tansit fonctionne et propose le même type de service pour la ville ? Harmonav,  la première App de Multimodalité proposait ce service sur les transports parisiens, il y a plus de 10 ans.

Comment une appli multi testée peut-elle conduire à un tel rejet !

Cette appli est-elle pire que celle de l’ANTS, de la Poste ou que la majorité des applis de banques obsédées par leur propre sécurité plutôt que de service aux clients ? Cette App et son rejet ouvrent des questionnements sur un plan plus général. Cet événement reflète la manière dont nous faisons les choses en France.. Banques, Assurances, Telecom, Startup, État .. Sommes-nous à la hauteur des enjeux du numérique comme objet de la vie quotidienne ? L’interrogation que l’on peut-avoir relève plutôt de la transformation des technologies et des connaissances en produits adoptables, appropriable voir même désirable.

Brouillard UX

1/ Ce crash est d’abord celui des modes de conceptions retenus. l’UX est une sous sociologie qui relève d’un flou qu’il faudra au pays de la sociologie clarifier et décontextualiser de la culture US  « il vaut mieux de mauvaises études que pas d’études », disait Cooper. Nous y sommes. Il fallait former vite des techniciens pour répondre aux défis numériques. Nous avons donc des méthodes, peu efficaces, mais facilement réplicables, des praticiens peu expérimentés et surtout mal formés … Alors que nous avons besoin de stratège et de concepteurs . Dans les grandes équipes d’UX, UI, Product peu importe comment on les nomme, combien de personnes avec la « culture du produit grand public et de l’innovation  » capable d’argumenter face à des marqueteurs, ou des dirigeants ? En quoi un psychologue qui fait de l’UX a-t-il cette culture du produit . Comment un profil formé en  » 3 mois» peut-il servir des projets aussi complexes ?
Espérons que cette « expérience » amènera à modifier les approches de documentation usagers, clarifiera les confusions outils, méthodes et conception … valorisera les approches ethnographiques et amener les entreprises françaises a enfin faire du design au sens plein, entier et complet. Nous devons prendre conscience de la valeur et singularité des talents, qui ne relèvent pas de cohorte ni de Ressources, et sont rares.
La responsabilité des grandes écoles de Design publique est immense, occupée qu’elles sont à changer le monde, elles rechignent à agir sur lui .

Usages sans produit ?

2/ la culture du tout usage, c’est a dire d’ objectifs d’utilisation indépendamment des produits à mettre à disposition, où le potentiel abstrait, pur et parfait ne côtoie jamais l’atelier et le faire illustre la faiblesse des équipes de conceptions et la « grande absence » des décideurs sur les questions de produits, fonctionnalités, architecture logicielle, interactions et graphisme. Combien de « patrons produits » en France ? L’usage est une des conséquences de la bonne conception d’un produit, une ambition, plus qu’une spécialité. Cela vaut pour toutes les entreprises françaises qui ont abordé le design par obligation numérique, plutôt que par conviction. On ne peut faire l’économie d’un management du design ambitieux et d’équipe de conception expérimentée habituée à gérer le risque créatif, et à savoir dire non. La délégation de la gestion du risque à des tests ne fonctionnant manifestement pas. Le couple UX, graphiste comme « main habile » d’un décideur suprême, non plus.

Le Train Corail est né de la demande de la femme du Patron de l’époque d’avoir des rideaux plissés pour la restauration des voitures MU14 … On mesure d’énergie, la créativité et l’expertise déployée par Roger Talon pour arriver aux résultats que l’on connaît. Il y a eu beaucoup d’observations ethnographiques dans ce projet .

Puissance de l’IT

3/ les relations design UX/UI/ développement et systèmes d’information sont critiques et importantes… Elles sont peu enseignées dans les formations UX, plutôt orientées sur les sciences humaines et la psychologie… L’informatique à la SNCF, est lourde, complexe par nature, la maîtrise des API un art. Savoir dialoguer est une des clés du défi. À l’exemple de Jean Daniel Guyot, le fondateur de Captain Train. Il faut également se méfier de l’IT surpuissante, qui ne peut décider seul ou conditionner le futur du produit. L’IA est un moyen pas un objectif, ni un élément de hype. L’enjeu est de considérer que le service d’information est aussi stratégique que l’énergie, la performance du TGV ou le confort des gares. Pour cela il faut mettre l’IT au service du produit et non l’inverse. « On pourrait le faire, cela marche est différent de cela sert » ! L’ambition est d’avoir des équipes de conception et de design qui savent dialoguer avec les services IT. (Cela vaut pour toutes les entreprises françaises). Enfin quand on lance un produit, au-delà des tests UX. Il est important de faire des déploiements ciblés à Vierzon, a Lyon, Paris, Montargis pour observer des remontées du terrain qui dépasse ses propres croyances. Le numérique mérite une AREP, cette agence d’architecture de la SNCF aux savoir-faire reconnus.

Design, cet inconnu

4/ « l’objet rarement nommé, jamais touché semble être défini comme l’ultime aboutissement d’une démarche linéaire nécessaire, procède de la seule rationalité déductive qui va de la loi scientifique à ses applications »

le positionnement est une affaire de Design… Ce qui est possible et faisable à partir de potentiels pour des gens dans un contexte donné.. Les managers et les « chefs de», l’IT doivent faire confiance a leurs équipes produits et celle-ci doivent apprendre a dire non ! Benoit Benoït Heilbrunn disait que le Marketing produit n’existe pas en France, un cas de plus pour le confirmer. Il est important d’avoir un design leader avec un poids dans l’organisation comme chez Schneider, Carrefour, Signify, ou Orange avec leurs managers reconnus. Le numérique est la valeur placée dans les mains du client. Il est le produit des entreprises contemporaines. Pourtant, dans le monde des Apps et du numérique, nous avons des spécialistes, des produits Owner, des techniciens . La Poste, LA SCNF, l’état, EDF, l’éducation nationale, Renault devraient avoir un Directeur du Design numérique placé à un niveau qui lui permet d’agir, plus que comme décorateur. À l’exemple de ce qui s’est passé dans l’automobile dans les années 80 quand avoir une auto s’est banalisé, le design est devenu le facteur décisif de valeur et de différenciation. Rappelons-nous de la Twingo 1 dont le moteur était un ancêtre issu de la Dauphine… mais dont le design et la vision produit ont bouleversé le marché automobile.

Cet incident est finalement une bonne nouvelle. Il nous impose de reconsidérer les chemin de la conception, de la création et de renouveler les approches utilisateurs de façon plus ethnographique et anthropologique . En un mot, sortir du boulgi Boulga UX ! Et pourquoi pas de découvrir le potentiel du design fait par des designers, l’ethnographie, la sociologie et l’ingénierie créative ! Cette Application et les réactions qu’elles suscitent disent beaucoup de nous, des façons dont nous travaillons, dont nous adoptons les innovations, dont nous acceptons le changement, dont nous sommes intolérants aux échecs et dont finalement nous avons subi la révolution numérique sans y comprendre grand-chose. Plus consommateur que producteur !

SNCF Connect