Les méthodes de « design thinking » ont utilisé les pratiques du design en les résumant à des démarches de résolution de problèmes souvent simplistes.
Pourtant, le monde contemporain apparaît complexe. Il est régi par des choses que l’on peut nommer, mais difficilement décrire comme la pollution, la démocratie, la mobilité, le numérique, l’aménagement du territoire, etc.
Ces situations ont été décrites dès 1973 par Horst Rittel . Ce théoricien de la conception présente ces difficultés comme des « wicked problems » , que l’on peut traduire par des « problèmes malicieux, vicieux ou méchants ». C’est-à-dire des cas malaisément objectivables et simplifiables pour des raisons sociales ou culturelles, par connaissances incomplètes ou contradictoires, par le nombre de personnes et d’opinions impliquées, par leur poids économique considérable.
Les « wicked problems » n’ont pas de solution unique. Ils n’impliquent pas des explications de type « vrai ou faux », mais de type « meilleur ou pire ». Ils sont difficiles à décomposer en éléments plus simples, car on en réduit la richesse et on se coupe ainsi de la réalité de la question posée.
Pour résoudre ces défis ouverts et interdépendants, l’enjeu est alors de formaliser des interrogations dont la solution n’est pas contenue dans la question : « Pourquoi et comment traverser la rivière ? » plutôt que « Comment dessiner un pont ? ».
Les « wicked problems » sont au coeur de l’approche de design industriel, parce que la démarche de création est avant tout « une énigme à résoudre, un mystère », comme le présente le designer Mathieu Lehanneur . Il a par exemple conçu une horloge, « Demain est un autre jour », pour un service de soins palliatifs afin d’aider les patients à se projeter pour retarder le décès.
Dans le domaine de la formation, le centre Michel-Serres instruit, pour le compte de la région Ile-de-France la transition énergétique et l’adaptation climatique du Parc naturel régional du Vexin français ou les Jeux Olympiques. Ces travaux, mêlant architecture, design, économie, ingénierie, aménagement du territoire et philosophie, illustrent la démarche systémique de création transdisciplinaire de résolution de ces problèmes complexes.
La création est une des réponses au défi du monde et aux enjeux contemporains. Elle est pourvoyeuse de nouveautés, de ruptures et de singularité. Il est temps de s’en saisir.
Jean-Louis Frechin.
Publication originale dans les Echos
14/05/2019 | Jean-Louis Frechin | Économie & société | Innovation | Tribune |