A la fin du XX siècle, les propositions qui nous sont faites sont basées sur des modèles marchands de consommation de masse où la valeur n’est plus la richesse produite, mais se reporte sur les marques, la financiarisation, les techniques de commercialisation, etc… Après la disparition des usines, théorisée sous le nom de «FabLess». Nous assistons a une disparition du rôle des «produits» dans l’offre des entreprises. Celui-ci devient une «commodité » au service de la marque et de la valeur financière de l’entreprise, en oubliant la terre et les hommes. En France, nous avons été parmi les bons élèves de cette stratégie, et nos champions d’hier ont pour la plupart disparu….
Nous vivons désormais dans un régime de crise permanente mondiale: financière, écologique, politique, mais également en France une crise profonde des modèles et des « propositions » qui nous sont faites. La résultante de ce processus est une question: quels «objets français» , services ou situations marqueront le XXIs siècle ?, qu’utiliseront nos enfants ? De quoi nos souvenirs seront-ils faits ? Pour citer Roland Barthe, d’où viendront les «mythologies» de demain, ces objets qui nous définissent culturellement ?
Par-dela les objets, la révolution numérique provoque la naissance d’une nouvelle modernité, basée sur l’information, les relations et la complexité. Elle sculpte déjà le XXIe siècle.
Dans ce contexte, les modèles publics, éducatifs, industriels, marchands changent à cause ou en conséquence de ces mutations. On peut ainsi souligner des idées importantes parmi les nombreuses mutations pour construire ces nouvelles propositions.
La production n’est pas seulement la fabrication d’objet, elle est un élément de la construction des structures sociales, culturelles et symboliques d’un pays. Mais nous ne retrouverons pas nos usines d’antan, par contre nous pouvons inventer un Nouveau Monde industriel.
Produire, de manière contemporaine est important et un des enjeux de la campagne présidentielle. Mais on ne peut oublier la nature et la qualité de ce que l’on se propose de produire. La nature de ces «propositions» est curieusement absente des propositions des candidats. En d’autres termes quelle est la qualité, la valeur et la singularité du Made in France et du Design in France ?.
La relation entre producteur et consommateur est changée à tout jamais
par la mise en réseau et l’information des personnes… l’interdépendance entre institutions, entreprises, marque, produit et activités sont visibles, commentés et observés.
Les humains aspirent à être plus que des consommateurs dont le rôle est simplement de «payer». On ne peut plus être exclu des objets, des services ou des institutions que l’on utilise. Il existe une aspiration de reprise en main de son destin propre et de son existence par des contributions, des actions individuelles et collectives.
La notion de progrès évolue et délaisse le seul critère technologique, au profit de propositions humanistes centrées sur les gens et le progrès social.
À partir de ces émergences, les relations entre les hommes et les offres qui leur sont faites sont bouleversées. Aujourd’hui, on constate des aspirations à des nouveaux modèles où la recherche de valeurs éthiques et morales enrichit la valeur économique. On peut ainsi appeler de nos vœux la fin des produits et de services qui nous asservissent plutôt qu’ils nous servent. Le toujours plus n’en peut plus, les nouvelles propositions alternatives et contributives doivent aller vers le meilleur.
Ces enjeux nous obligent désormais à considérer les destinataires des produits comme des partenaires informés et responsables. Peut-être, faut-il alors réinscrire les entreprises et les organisations dans des objectifs identifiables, sociaux, territoriaux, politiques, économiques dont l’aboutissement est une proposition intéressante et adéquate et dont la juste conséquence sera un gain économique mais aussi un progrès social et culturel.
Dans cette «société de proposition» que j’appelle de mes vœux, les valeurs esthétiques, sensibles, créatives, symboliques, démocratiques, responsables, éducatives, symboliques et emphatiques vont être centrales et donner une profondeur distinctive et une singularité aux projets et aux offres qui nous sont faites. Les acteurs de ces mutations seront comme le prédît Armand Hatchuel les agents du progrès du XI siècle.
Notre pays revendique une réputation créative. Mais pour répondre à ce «leg » issu de la fin du XIX siècle, les entreprises et les institutions ne peuvent plus considérer le design industriel comme la spécialité du beau, ou comme un art bourgeois décoratif. Face à ces défis, nous pensons qu’il est temps de considérer l’apport du design et des créateurs pour ce qu’ils apportent; une force de proposition impliquée et contextuelle, stratégiques et créatrice de valeur(s).
C’est une responsabilité, un défi au regard de notre de notre histoire.
Les créateurs doivent l’assumer et s’y préparer… Les politiques doivent l’intégrer… c’est un enjeu d’économie politique.
Jean louis Frechin
Article publié sur le site de Telerama en Février 2012
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