Publié en 1886, en pleine crise économique, le rapport Vachon intitulé « La Crise industrielle et artistique » pointait le retard français dans les échanges internationaux.
Etonnant complément au rapport Gallois, il soulignait déjà les faiblesses chroniques d’attractivité de nos productions : « Nous avons marché à la tête de la révolution des idées, rarement de celle de l’industrie » ; « Soyons un peuple d’artistes, en même temps qu’un peuple de marchands, cela n’est point inconciliable, à condition que les marchands soient des artistes. »
Effet du rapport Vachon, les cinquante années qui suivirent virent l’éclosion de trois expositions universelles, d’inventions, de technologies, de produits et d’entreprises singulières. Cette période a créé le grand récit de la création industrielle en France et notre réputation de créativité. Dans le propos de Marius Vachon, la compétitivité est indissociable de l’attractivité. « Le mérite artistique d’une oeuvre industrielle n’implique point un prix de vente fort élevé. Ainsi, un meuble de 100 francs peut être plus élégant, d’un goût plus pur qu’un meuble de 1.000 francs. » Marius Vachon proposait de quitter la tradition et de séparer les valeurs d’usage, de perception et de production. En cela, il est l’un des précurseurs du design, cette discipline qui donne du sens, de l’usage, un « dessein » et un « dessin » aux productions industrielles.
Le design est aujourd’hui une activité de conception innovante et de création qui s’attache à aménager, créer et produire le lien entre les technologies et les « objets » finaux pour l’homme et son environnement. Cependant, à cause du poids récurrent de notre histoire, il est souvent perçu en France comme un style ou une fonction cosmétique, mais rarement comme un agent de création de valeur. A l’heure du changement d’âge que nous vivons et de la révolution numérique, les analyses de Vachon restent d’actualité : « Mettons de l’art en tout, dans tout ce que nous faisons… et élevons notre imagination. » Réalisons encore une fois notre dessein, notre destin. Ainsi, nous serons peut-être à nouveau attractifs, et donc compétitifs.
Publication orginale dans les Echos
11/12/2012 | Jean-Louis Fréchin | Développement | Tribune | LesEchos
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