Mini, modèle d’innovation maxi ?

Au dela des Fablabs, comment l’esprit des makers s’applique t’il a des secteurs hors du champ numérique…

Un petit voilier, Le Mini 6.50  incarne l’esprit des Fablabs, et des nouveaux modèles de création de valeur économiques et humaines par le “Faire”, c’est a dire une innovation active, pratique, réalisée, prototypée, partagée plutôt que spéculée. Ce modèle est applicable à tous types d’objectifs et incarne les méthodes agiles, frugales, rapides que nous allons observer ailleurs. Celle-ci vient de Bretagne et de Poitou -Charente.

Les Minis 6.50. sont des bateaux de 6.50 mètres de long issus d’une jauge (une règle de conception qui garantie l’équité des chances). Cette classe de bateau est assez proche de l'”esprit des fablabs” dans ses pratiques, mode de conception, et des gens qui le pratiquent . La Mini Transat est née de l’idée transgressive de l’anglais Bob Salmon de traverser l’atlantique en course sur les plus petits bateaux possible avec un budget minimum. Ceci afin de fuir la course aux gigantismes et aux couts de la transat anglaise et de la route du Rhum. Aujourd’hui cette course est française, dont elle incarne un esprit d’aventure, de sport et de compétition, loin de la voile classique.

Ces mini voiliers effectuent des courses hauturières en solitaire sur prototypes, ou sur des bateaux de série qui sont autorisés à courir ensemble. Les marins les plus aguerris ont débuté avec la Classe MINI: Michel Desjoyaux, Yves Parlier, Eillen MacArthur, Isabelle Autissier ou Loïck Peyron et de nombreux “amateurs” passionnés dont elle a ainsi changé la vie.
Mon ami Vincent Levy, coureur des deux premières éditions et deuxième sur le podium lors de sa dernière participation ma longuement raconté l’esprit, l’entraide entre les coureurs et et la disponibilité des industriels à leurs égards. Cette course de jeune pousse est une école de la course au large, et une pépinière de talent. Architectes, marins, voiliers y sont régulièrement décelés.

Mini laboratoire du réel
Un mini est conçu par un architecte, souvent coureur, parfois également constructeur. Les coureurs sont les metteurs au point de leurs machines. On ne différencie ici pas la théorie de la pratique. Le concepteur est praticien et réciproquement. Concevoir un Proto de MINI c’est mettre le laboratoire dans le réel pour faire progresser la vitesse, mais également l’architecture navale, les matériaux, les gréements. À l’exemple du vainqueur du challenge Mini de La Rochelle Étienne Bertrand . Nous sommes bien ici dans l’esprit des FabLabs, du prototypage de projets exceptionnels, et des tests en grandeurs réelles.
Les résultats sont ancrés dans une réalité concrète, locale et partageable plus que dans une prospective utopique ou conceptuelle.

Mini de série Atelier du réel.
Le Mini c’est également des bateaux de série, issus de modèles de course à succès. La série et son “Hacking” m’intéressent, car nous quittons le laboratoire pour l’atelier, l’usine ou la fabrique. Ainsi les premiers Minis de série étaient des bateaux adaptés comme les Surprises coupées de Patrick Le Chapellier (on dirait hacké aujourd’hui) et de Vincent Levy. Un modèle a contribué à la création d’une entreprise: Le Pogo 1 de Pierre Rolland, construit par le chantier Structure. Le sacre vient avec le Pogo 2 conçu par le tandem Jean Marie Finot et Pascal Conq, auteurs des bateaux du Vendée Globe, mais également de la Twingo des mers, le best-seller First 210.
Le Pogo 2 est à la voile ce que la Peugeot 205 GTI, l’alpine Renault ont été à l’automobile, un espace de promotion accessible. Un bateau de course, accessible, au budget raisonnable, révélateur des nouveaux talents. À partir des succès du Pogo 2, le chantier Structure a créé une gamme de bateaux uniques rapides, modernes, sportifs et confortables qui ont proposé une offre radicalement différente sur le marché international. Le patron fondateur Christian Bourroulec http://www.pogostructures.com est un ancien coureur de Mini. Cet entrepreneur passionné incarne assez bien ce qu’est l’innovation réalisée, c’est un modèle intéressant.

Un écosystème d’amorçage
Enfin la mini, c’est aussi un esprit à la fois sportif, aventureux et de solidarité. Ainsi les coureurs y sont concurrents, professionnels ou amateurs, mais solidaires à terre et sur l’eau. Sécurité en mer, soutien, parrainage, prêt de matériel, dépannage d’eau, soutien lors d’incidents. Cette classe supportée par des bénévoles contient dans ses gènes l’esprit social des FabLabs et la capacité à transformer une activité de passion en succès économiques.
Elle illustre la figure de la coopétition que l’on trouve dans les écosystèmes territoriaux, les pôles de compétitivité qui repose sur l’idée d’élévation globale de niveau pour permettre l’excellence de chacun et de tous. Elle est l’espace d’amorçage de l’industrie innovante nautique. Creuset des chantier Marée Haute et Structures

Mini bateaux, maxi Talents.
Enfin et c’est le plus important au regard de la façon dont nous organisons l’innovation aujourd’hui, la notion de talent y est primordiale. À l’inverse du caractère lissant et interchangeable de la gestion des hommes en entreprise, un coureur de mini possède des talents multiples utiles au monde d’aujourd’hui.
Talent pour la voile et la navigation, mais aussi talent comme porteur de projet, metteur au point de son bateau, parfois entrepreneur, à la forte culture technique. Ces talents incarnent à merveille la figure du Self Manufacturer “fabricant d’innovation” cher à Éric Von Hippel.

Talents
Stephanie Bacquere, de NoDa, qui partage avec NoDesign la quête des nouveaux modèles d’innovations “libératoires” et “adéquates” , m’a présenté un de ces coureurs innovateurs Ian Lipinski .
Ian, illustre l’esprit bootstrap, entrepreneurial, solidaire, humaniste, écologique et de performance utile à laquelle nous aspirons comme modèle d’innovation. C’est posture est assez proche de “l’esprit du numérique”. Originaire de la région parisienne, il découvre la mer au sein des «Expéditions Jules Verne». Il quitte sa famille à 12 ans pour un voyage de 2 ans en mer Caraïbe sur un ancien thonier breton à voiles. De retour à Paris il se prend de passion pour les sciences et après une maitrise de physique, est diplômé de l’école supérieure d’aéronautique (Sup Aero).
Ian a choisi d’autres voies que celle qui lui était toute tracées. Celle du Ciel d’abord comme pilote de planeur, puis celle de la voile. Il est moniteur Brevet d’état, pédagogue de l’art de naviguer. Après 3 saisons au comme moniteur aux “Glénans” , il part sur les traces de son livre de chevet “Terre des hommes” de Saint Exupery autour de l’atlantique Nord. Puis, ses rêves d’aventures en partie assouvies, il découvre la MINI et la compétition pour se lancer dans un nouveau projet, la traversée de l’atlantique en course et en solitaire : la mini transat.
Avec son Pogo2 , il finit ses trois premières courses sur le podium. Pour sa première grande course au grand large: Les sables -Les Acores -Les Sables, il finit à la surprise générale troisième malgré l’avarie de sa pile à combustible. Privé d’énergie, il lutte jusqu’aux hallucinations contre le sommeil (à voir ici) . Ian nous démontre l’importance du talent, de la passion et de l’engagement dans un projet. Cette dimension gommée par l’organisation scientifique du travail, place l’homme au cœur et en face cœur de ses réalisations. Dans un projet comme celui, la prise de risque est la première des précautions à l’inverse de la culture de notre époque où le principe de précaution est la règle.

Modèle d’innovation
Le Mini nous raconte en ellipse les “modèles” des projets, des écosystèmes, des industries réussis. Cette classe de bateau et de course illustre et symbolise l’idée d’entreprise, de culture et de passion. Elle est un modèle d’innovation frugale où les coureurs sont souvent constructeurs, architectes et toujours porteur d’un projet. Le résultat est mesurable par la vitesse, les Minis vont très, très vite sur l’eau, mais aussi par le simple fait de participer a ces courses, par les progrès réalisés, les talents révélés ou les entreprises créées. C’est une approche de l’innovation assez similaire à ce que nous croyons nécessaire pour les politiques de filières et d’écosystèmes. Cette approche engagée, nous rappelle la nécessité de passion, de culture du produit et de résultats qui transcendent les succès économiques. Cet esprit “Bootstrap”, de “Coopétition”, d’intelligence partagée, et de réalisation personnelle dans un “être ensemble” est finalement assez proche de l’esprit du “numérique”.

Ainsi l’ exemple des Minis est intéressant pour réfléchir a ce que pourraient être ou devenir nos modèles d’accélérateur de projet innovant inclusif, performant et original. Les pistes et les modèles existent, ici. Ils peuvent être les moteurs pour les industries et organisations sociales de demain. Ceux-ci sont connectés aux attentes humaines, et aux quêtes de sens que recherchent les jeunes d’aujourd’hui.

Notre modèle d’innovation
À l’exemple de Ian, cette classe pépinière technologique et aventurière et humaine illustre cet esprit de passion, de conquête et de talent à la solide culture scientifique et technique qui a construit le XX siècle et qui manque peut -être à nos entreprises et à nos labos, aujourd’hui.
Et si les Makers étaient les inventeurs et les aventuriers d’aujourd’hui ? Si le Mini et ses succès étaient un exemple de passage à l’échelle ?

Faisons-en un modèle et aidons Ian à mener à bien son projet, faisons de son projet notre symbole, pour nous les gens du numérique d’ile de France.
Qu’en pensez-vous, toutes vos idées et pistes sont la bienvenue ?

“Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve”
Antoine de Saint Exupéry

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