Le design du « numérique » est un enjeu d’économie politique

Pour Jean-Louis Frechin, le design doit évoluer et tenter de répondre aux enjeux de la révolution numérique. Ce Design numérique relève autant des humanités, de l’art et de la science et des technologies, que de l’économie car il s’attache à la création de nouvelles relations entre les producteurs et les Hommes dans un monde en réseaux.

La nouvelle révolution industrielle provoquée par le « numérique », embrasse et modifie en profondeur tous les secteurs de la société. Le véritable changement d’âge que nous vivons (rôle infini du logiciel, monde en réseau, mutations sociales, hypercrises successives, fin des modèles du XX siècle, désir d’émancipation) bouleverse les aspirations des hommes, des organisations sociales, de l’économie, de l’éducation, de l’industrie et même les organisations politiques. Il transforme la nature des offres qui nous sont proposées et les modes d’organisation de conception, de production, de distribution et de consommation des « situations », « objets » et « services » contemporains. Dans ce contexte, à partir de ses fondamentaux historiques, le design doit évoluer et tenter de répondre aux enjeux de la révolution numérique comme le Bauhaus a pensé, la forme, l’usage, le sens et les productions de la révolution industrielle et structurée l’esthétique du XX siècle.

UNE APPROCHE « TRANSDISCIPLINAIRE » POUR CONCEVOIR DES « NOUVEAUX OBJETS » ADOPTABLES.
Le design numérique, design de la transformation numérique, a pour défi d’être un acteur de la pensée, des technologies et des constructions du « Nouveau Monde industriel » qui s’ouvre. Le design du numérique, design des possibles, des actions et des transformations peut se définir autant comme une ambition qu’une pratique – un dessein et un dessin -. Son objet consiste à proposer, spécifier et aménager des situations, des interactions et des représentations des nouvelles « offres ». Il est à la fois une activité de création et de conception innovante dont le but est d’imaginer, de projeter, et de produire les multiples facettes des objets, des services et des systèmes de façon globale et sensible. C’est pourquoi il constitue un des principaux leviers d’originalité, d’humanisation et de transformation des technologies.
Le Design numérique comme le design relève autant des humanités, de l’art et de la science et des technologies que de l’économie. Il s’attache à la création de nouvelles relations entre les producteurs et les Hommes dans un monde en réseaux. Cette démarche est possible par ses capacités à dialoguer avec l’ensemble des acteurs des projets recherche, technologie, utilisateur, et modèle d’affaires innovants dans des situations « transdisciplinaires » qui transcendant entre, à travers et au-delà les expertises pour concevoir des « nouveaux objets » adoptables. Cette démarche s’applique à tous les niveaux et tout au long du projet.

DE NOUVELLES SPÉCIALITÉS AUX RÉGIMES INSTABLES
Le champ d’application du design numérique est large et protéiforme à l’instar de disciplines comme la physique, l’architecture, ou l’ingénierie. Il s’attache autant aux « objets contemporains » qu’à la fourniture de propositions globales, contextuelles, inclusives et réflexives au service de l’entreprise, des institutions ou des situations d’intérêt général. Il agrège, sublime et défini l’objectif des nouvelles spécialités aux régimes instables : Design d’interaction, de l’expérience utilisateur, des interfaces, des services, centrés sur l’utilisateur, graphique ou de produits. Dans ce contexte, il est porteur des démarches d’innovations non technologiques actionnables, par ses capacités à imaginer, à scénariser, à représenter et à prototyper des formes, des situations, des usages et des pratiques afin d’aborder et stimuler le Nouveau, la complexité contemporaine, les sciences du numérique et la création de valeurs sociales, économiques et éthiques.

UN POINT D’INTÉGRATION ENTRE LES PRODUCTEURS, LE PRODUIT ET LES UTILISATEURS
L’approche du Design lorsqu’elle est bien conduite doit aider à définir le contexte, les enjeux, les objectifs du projet jusqu’a son exécution et sa formalisation : « ce que l’on propose, pour qui, ce que l’on fait, ce que l’on voit, ce que l’on perçoit et la manière dont on le fabrique et dont on l’utilise ». Il porte en son sein l’ambition de « concevoir » des produits/services originaux qui améliorent la vie, mais aussi de les réaliser: « Que Faire » en amont et le « faire » en aval. Le design numérique est ainsi le garant de « l’esprit et du corps » des productions numériques instables, non finies, ouvertes, par nature.
Le design numérique porte la synthèse créative et sensible des composantes d’un projet. Un point d’intégration entre les producteurs, le produit et les utilisateurs, qui répond aux nouveaux enjeux culturels, sociaux et industriels. C’est un enjeu culturel, de création de valeur et de compétitivité et d’attractivité, mais également une responsabilité et un défi pour contribuer à un projet de société et une responsabilité au regard de notre histoire. Les designers et les lieux de formation doivent l’assumer et s’y préparer… Les politiques doivent l’intégrer… les entreprises l’aborder et les hommes en bénéficier. C’est un enjeu d’économie politique.
Jean-Louis Frechin

Publié initialement dans l’usine digitale

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