Alors que les atouts du design restent trop peu exploités en France, les écoles doivent s’ouvrir sur l’économie, les sciences, la technologie et l’écologie pour préparer l’avenir.
Le lancement de l’appel du programme France 2030 compétences et métier d’avenir(CMA) dédié au design, lancé par le secrétariat général pour l’investissement, est une reconnaissance pour la création industrielle. En effet, les atouts du design sont trop peu compris en France, ce qui amène à trop rarement intégrer les designers et leurs écoles dans les stratégies économiques nationales.
Parfois, cela se justifie. Les écoles de design et la recherche ont par exemple été « disruptées » par la révolution numérique. En conséquence, le design est désormais souvent confondu avec des méthodes simples venues de Californie qui célèbrent le « tous créatifs », la sacralisation de la parole du client, les méthodes agiles, l’accessibilité et les tests permanents. Les designers ont été transformés en techniciens dont les produits sont des clones les uns des autres.
Attitude
Malgré ce rendez-vous manqué, les écoles de design françaises sont performantes et diverses dans leurs approches. Le design enseigné y est une attitude. La culture et la politique sont très présentes. Elles forment des créateurs plus qu’à des métiers.
Les projets qui y sont menés sont intelligents et sensibles, mais fréquemment réduits en potentiel parce qu’autocentrés. Elles enseignent un monde idéal fermé sous l’enseignement de ceux qui y ont été formés.
L’identification des métiers d’avenir liés au design oblige à des interrogations sur ce qui y est enseigné. Comment préparer le futur sans savoir ce qu’il sera ? Comment apprendre à aborder l’incertitude ? Quelles seront les connaissances à appréhender ? Que transmettre du passé qui nous dit beaucoup ?
Transdisciplinarité
Le design est ce qui est pratiqué par les designers. C’est donc autour de la pratique centrale du projet comme pédagogie et de cours techniques, artistiques, et d’humanités que l’on devient designer. Les écoles de design doivent élargir leurs bases de références pour devenir les lieux de la transdisciplinarité et ouverts sur l’avenir. Pour cela, elles doivent s’ouvrir sur l’économie, les sciences, la technologie, l’écologie, les sciences politiques, les sciences de gestion, mais aussi les entreprises et la culture entrepreneuriale.
Il serait intéressant pour enrichir les formations de provoquer des situations pédagogiques d’exploration autour de thèmes complexes généralement réservés à d’autres institutions comme la réindustrialisation, l’énergie, la défense, la sécurité, la santé, le commerce, la pédagogie, la formation professionnelle, la traçabilité des matériaux, le logement, l’agriculture, l’agroalimentaire, le tiers-secteur, ou le service public, etc.
Cohabiter avec les IA
Mais aussi sur des thèmes ouverts comme la cohésion sociale, les communs, la précarité, les technologies justes, les enseignements essentiels pour cohabiter avec les IA ou les défis esthétiques des représentations et des formes de la complexité invisible contemporaine. Ces enjeux peuvent être abordés dans la formation initiale, mais également prolongée grâce à la recherche naissante qui devra servir le design, mais aussi par des post-diplômes et des doubles diplômes avec d’autres écoles.
A l’heure des IA, opportunités tout autant que menaces, ce projet collectif piloté par l’Ensci est une formidable occasion pour préparer les écoles à s’ouvrir, à identifier et à créer les situations innovantes qui vont permettre de préparer les futurs designers à naviguer vers l’inconnu et à inventer leur métier pour notre pays.
Jean-Louis Frechin est directeur de l’agence Nodesign.
20 février 2024 | Jean-Louis Frechin | Économie & société, science & prospective | Innovation | Tribune